Des sculptures dans l’établissement, comme beaucoup d’usagers, probablement, je me suis posé quelques questions quant à leur origine, leurs créateurs, les dates de leur installation, à la création du lycée peut-être ?
L’une, située à proximité de l’entrée, côté rue des Sables, me faisait penser au travail de Nicolas Schöffer que j’avais découvert à la fin des années 60 lors de la construction de la maison de la culture à Rennes devenue depuis Théâtre de Bretagne.
Chronos 8 de Nicolas Schoëffer
L’autre, sise du côté du boulevard Arago, me rappelait le travail de Pol Bury ou de Jesús Rafael Soto développé lui aussi autour du mouvement, de la cinétique, dans les années 60 sans que je parvienne à penser à un artiste précis.
Toutes directions de Yaacov Agam
Un article, paru dans le N° 98 de la revue 303 daté du 3ème trimestre 2007 et intégralement consacrée aux ESPACES URBAINS, a apporté quelques réponses à mon questionnement. Dans ce numéro, Dominique Amouroux retrace sur plusieurs pages, dans un article intitulé L’art moderne dans les lieux publics, la genèse, l’implantation, puis le sort fait à des centaines d’œuvres présentées dans l’espace urbain entre 1960 et 1980, lors de la construction d’édifices publics sur le territoire régional (et national). La lecture de ces lignes me confirme que l’une des œuvres du lycée est bien de Nicolas Schöffer et l’autre de Yaacov Agam.
Domique Amouroux rapporte l’interrogation du critique d’art Patrick d’Elme à l’heure d’un premier bilan de la politique dite du 1% artistique, en 1970. « Quelle ville moyenne aurait pu acquérir sur son propre budget une œuvre d’un artiste internationalement réputé ? ». Et elle poursuit : « Entre 1960 et 1970, plus de 3000 créations sont commandées à plus de 1500 artistes et disposées sur l’ensemble du territoire national. »
Nicolas Schöffer et Yaacov Agam ne sont pas des inconnus.
Nicolas Schöffer est né en 1912 à Kalocsa (Hongrie) et meurt à Paris en 1992. Il fait des études à l’Ecoles des Beaux-Arts et passe un doctorat de Droit à Budapest avant de venir s’installer à Paris en 1936 où il poursuit des études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il participe à de nombreux salons avant de développer ses idées – sur le Spatiodynamisme à partir de 1948, année où il participe au premier Salon des Réalités Nouvelles créé pour promouvoir l’Art abstrait non-figuratif et non-objectif dont le premier paragraphe du manifeste est : « Qu’est-ce que l’Art abstrait non-figuratif et non-objectif ? Sans lien avec le monde des apparences extérieures, c’est, pour la peinture, un certain plan ou espace animé par des lignes, des formes, des surfaces, des couleurs, dans leurs rapports réciproques et, pour la sculpture, un certain volume animé par des plans, des pleins, des vides, exaltant la lumière. » En 1954, il crée une tour Spatiodynamique Cybernétique et Sonore de 50 m de haut pour le Salon des Travaux Publics à Paris et participe au Premier Salon de la Sculpture Abstraite à la galerie Denise René.
Yaacov Agam (Abraham Jacob Agam), né en 1928 en Palestine, fait des études à Jérusalem et arrive à Zürich en 1949 où il rencontre Johannes Itten et Max Bill, le premier avait été professeur et le second élève au Bauhaus. En 1951, il se fixe à Paris et travaille à la naissance d’un art géométrique et introduit la mobilité dans ses tableaux. En 1955 a lieu l’exposition Le Mouvement à la galerie Denise René qui ne présente que des œuvres mobiles de Calder, Marcel Duchamp, Jesús Rafael Soto, Jean Tinguely, Pol Bury, Robert Jacobsen et Yaacov Agam. En 1974, il réalise l’aménagement de l’antichambre des appartements privés du Palais de l’Elysée pour le Président Georges Pompidou.
Les deux œuvres présentes au lycée, Toutes directions, sculpture mobile en acier, 1969-1971, de Yaacov Agam et Chronos 8, inox et miroirs pivotant, 1971, de Nicolas Schöffer, sont des œuvres qui s’inscrivent dans une recherche qui s’est développée entre les années 60 et 70 du siècle dernier. Tous ces artistes qui se sont à un moment retrouvés à Paris avaient découvert un idéal et faisaient leur cette déclaration de Mondrian : « pour la disparition du facteur individuel au profit de l’Universel ». Ces artistes, dont Agam et Schöffer, sont fascinés par les développements de la technique et s’approprient des matériaux, des procédés de création, les couleurs chimiques, les laques vinyliques, le polyester, le plexiglas, l’inox, le laser,… Le souhait est d’adhérer à l’époque en suivant l’innovation technologique et scientifique, mais aussi en participant à la vie quotidienne. « L’œuvre d’art se dérobe au musée, elle prétend appartenir à la réalité quotidienne » écrit Catherine Millet dans L’Art contemporain en France (Flammarion, 1988). De nombreux artistes questionneront cette réalité, Arman, César, Piotr Kowalski, Jesús Rafael Soto, Pol Bury, Jean Tinguely,… Nicolas Schöffer donc, et aussi Yaacov Agam.
Chronos 8 et Toutes Directions, appartiennent à ce mouvement parfois désigné sous le nom de Op art. Ces deux œuvres font partie de notre quotidien, même si nous ne leur accordons que peu de regard. Il faut dire qu’elles ne sont pas au mieux de leur forme. Chronos 8, est privé des faisceaux colorés de projecteurs que les miroirs pivotants (tournent-ils encore ?) devaient démultiplier et Toutes Directions, dont les divers éléments pivotaient, semble bien fixe au milieu de son rond-point. Je sais très bien que le contexte actuel n’est pas orienté vers des dépenses somptuaires, mais ne serait-il pas possible de redonner vie à ces deux sculptures qui font partie de notre patrimoine, qui appartiennent à la collectivité et ont été financées par les impôts de tous, et avaient été pensées par leurs auteurs comme des éléments rythmant de leurs mouvements, leurs éclats, leurs réactions aux intempéries, nos déplacements à l’intérieur du lycée..
Tangi Gicquel
Quelques sites :
Nicolas Schöffer
http://www.olats.org/schoffer/
Yaacov Agam
http://imagoart.club.fr/agam.htm
http://www.artcyclopedia.com/artists/agam_yaacov.html
Le journal Spécial 40 ans du lycée Pierre Mendès-France